Périlleuses comparaisons ...
Quand j’ai eu cette occasion singulière de visiter le cœur antique de la ville de Lisbonne, j’étais ébloui et... Horrifié.
Ebloui par l’intérêt grandiose, que
les Lisboètes accordent à leur ville... « Arabe » et ses méandres les
plus fins et les plus accommodants.
Ebloui par la fierté, qu’ils
s’accordent à exhiber et ne tardent pas à la manifester devant leurs visiteurs...
Ebloui aussi par l’extrême richesse des
ensembles urbains traditionnels et les détails exquis des valeurs de l’architecture arabo-mauresque...
une architecture qui caractérise le
paysage visuel des rues, ruelles, impasses étroites, serpentés par le style, la
forme et le tracé, fluides dans leurs activités.
Ebloui par le peuple Lisboète,
attaché à sa « médina » bâtie par des envahisseurs, qui clame,
jusqu'à aujourd’hui, leur renvoi depuis 1200 ans et vénère toujours le libérateur, assis sur son cheval, en haut de la colline, surveillant
l’héritage, construit et façonné, en partie, par ses ennemis.
Ebloui par cette « médina », «ultra
propre », charmante, accueillante, merveilleusement préservée, jalouse
de son passé et résolument tournée vers
l’avenir avec confiance et sérénité.
Cette « médina », qui a
gardé le nom arabe de ses rues et ruelles sinueuses, étroites et ombragées. Les
demeures sobres, discrètes et spirituelles auxquelles sont harmonieusement greffées
des ensembles typiquement européens, baroques mais aussi style renaissance et même contemporain. Une Médina animée, transcendée
par la culture et la beauté, revigorée par ses habitants, rêveuse, heureuse...
vieux Lisbonne |
Mais je fus aussi horrifiée, par une
comparaison obligée, par la décadence de
notre patrimoine, urbain, architectural, vernaculaire et artistique...
Horrifié par une transposition
maladroite certes mais surtout douloureuse, de la médina arabo-musulmane... occidentale...
ibérique... magnifiquement conservée et même relevée, aux statuts de noblesse
et nos médinas, sempiternellement, lieux de manifestation de la médiocrité, de
l’anodin, de l’anachronisme... et de l’absurdité humaine.
Après Lisbonne, j’ai visité le vieux Caire, le vieux Tripoli(Est) , le vieux Rabat
et une bonne partie des médinas
tunisiennes .
Le constat est choquant.
Nos médinas sont les lieux où le délit humain se manifeste le plus abondamment... elles
sont –à un degré moindre, Rabat- affectées par l’incohérence et le cynisme.
Si le cœur antique de Lisbonne est le
lieu de la créativité, de l’art et de l’amour, nos médinas sont ancrées dans le
chaos, vouées à l’anarchie, à la pauvreté et à la misère sociale.
La médina de Lisbonne est choyée par les
gouvernants, préservée par l’état, glorifiée par ses propres habitants. Chez nous, la médina
est laissée pour son propre compte, maltraitée par les pouvoirs publics, défigurée
par ses habitants...
Pourquoi une telle désinvolture ?
Pourquoi, l’exemplarité d’une médina,
aux racines arabo-musulmanes, ne se trouve qu’en occident ?
Pourquoi avons-nous laissé notre
patrimoine périr d’indifférence... mourir de négligences ?
Nous sommes tous complice d’une
dégradation annoncée avec tendance à jeter l’opprobre sur les autres... Les citoyens, les résidents
insensibles aux valeurs du patrimoine... aux commerçants emportés par le profit
rapide aux dépends des valeurs de conservation... aux vendeurs ambulants, occupants
les places et placettes les plus nobles et proférant tout type d’exactions... aux touristes, ayant induit une transformation
stigmatisée des fonctions originelles...
Mais il faut acculer surtout le rôle
néfaste du système, basé sur le laxisme
et l’indifférence, et sur la corruption et le clientélisme.
Le système... politique...
administratif qui résonne à l’encontre des valeurs universelles de la
conservation de l’héritage humain... Les institutions qui ont marginalisé les médinas.
Finalement quelle est la différence
entre un citoyen malintentionné, bricolant sa façade avec une céramique « dégoûtante » et la compagnie d’électricité
ou du téléphone, qui tissent-avec leurs câbles- de sordides toiles d’araignée
dans la médina ?
Quelle est la différence entre celui
qui combat interminablement l’humidité rampante dans ses murs, et la société de
l’assainissement ou de l’eau potable qui n’ont pas pensé à rénover leurs conduites depuis
bien un siècle ?
Quelle est réellement la responsabilité de cet habitant voulant moderniser sa « pseudo »
demeure pour la doter du minimum requis
des normes de salubrité et se trouve défoncé par le rouleau compresseur d’une
bureaucratie punitive des collectivités
et des « autorités » du patrimoine, annihilant toutes les aspirations
citoyennes...
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Vieux Lisbonne |
... à suivre
Moez Naija