jeudi 10 avril 2014

Périlleuses comparaisons ...



Périlleuses comparaisons ...

Quand j’ai eu cette  occasion singulière de visiter le cœur  antique de la ville de Lisbonne, j’étais  ébloui et... Horrifié.
Ebloui par l’intérêt grandiose, que les Lisboètes accordent à leur ville... « Arabe » et ses méandres les plus fins et les plus accommodants.
Ebloui par la fierté, qu’ils s’accordent à exhiber et ne tardent pas à la manifester devant leurs visiteurs... Ebloui aussi par l’extrême  richesse des ensembles urbains traditionnels et les détails exquis  des valeurs de l’architecture arabo-mauresque... une architecture  qui caractérise le paysage visuel des rues, ruelles, impasses étroites, serpentés par le style, la forme et le tracé, fluides dans leurs activités.
Ebloui par le peuple Lisboète, attaché à sa « médina » bâtie par des envahisseurs, qui clame, jusqu'à aujourd’hui, leur renvoi depuis 1200 ans et  vénère toujours le libérateur, assis sur  son cheval, en haut de la colline, surveillant l’héritage, construit et façonné, en partie, par ses ennemis.
 Ebloui par cette « médina », «ultra propre », charmante, accueillante, merveilleusement préservée, jalouse de  son passé et résolument  tournée vers  l’avenir avec confiance et sérénité.
Cette « médina », qui a gardé le nom arabe de ses rues et  ruelles sinueuses, étroites et ombragées. Les demeures sobres, discrètes et spirituelles auxquelles sont harmonieusement greffées des ensembles typiquement européens, baroques mais aussi style renaissance et  même contemporain. Une Médina animée, transcendée par la culture et la beauté, revigorée par ses habitants, rêveuse, heureuse... 

vieux Lisbonne

Mais je fus aussi horrifiée, par une comparaison obligée,  par la décadence de notre patrimoine, urbain, architectural, vernaculaire et artistique...
Horrifié par une transposition maladroite certes mais surtout douloureuse, de la médina arabo-musulmane... occidentale... ibérique... magnifiquement conservée et même relevée, aux statuts de noblesse et nos médinas, sempiternellement, lieux de manifestation de la médiocrité, de l’anodin, de l’anachronisme... et de l’absurdité humaine.
Après Lisbonne, j’ai visité  le vieux  Caire, le vieux Tripoli(Est) , le vieux Rabat et une bonne partie des médinas  tunisiennes .
Le constat  est  choquant. Nos médinas sont les lieux où le délit  humain se manifeste le plus abondamment... elles sont –à  un degré moindre, Rabat-  affectées par l’incohérence et le cynisme.
Si le cœur antique de Lisbonne est le lieu de la créativité, de l’art et de l’amour, nos médinas sont ancrées dans le chaos, vouées à l’anarchie, à la  pauvreté et à la misère sociale.
La médina de Lisbonne est choyée par les gouvernants, préservée par l’état, glorifiée  par ses propres habitants. Chez nous, la médina est laissée pour son propre compte, maltraitée par les pouvoirs publics, défigurée par ses habitants...
Pourquoi une telle désinvolture ?
Pourquoi, l’exemplarité d’une médina, aux racines arabo-musulmanes, ne se trouve qu’en occident ?
Pourquoi avons-nous laissé notre patrimoine périr d’indifférence... mourir de négligences ?   

Nous sommes tous complice d’une dégradation annoncée avec tendance à jeter l’opprobre sur  les autres... Les citoyens, les résidents insensibles aux valeurs du patrimoine... aux commerçants emportés par le profit rapide aux dépends des valeurs de conservation... aux vendeurs ambulants, occupants les places et placettes les plus nobles et proférant tout type d’exactions...  aux touristes, ayant induit une transformation stigmatisée des fonctions originelles...
Mais il faut acculer surtout le rôle néfaste du système, basé  sur le laxisme et l’indifférence, et sur la corruption et le clientélisme.
Le système... politique... administratif qui résonne à l’encontre des valeurs universelles de la conservation de l’héritage humain... Les institutions qui ont  marginalisé les médinas.
Finalement quelle est la différence entre un citoyen malintentionné, bricolant sa façade avec une céramique  « dégoûtante » et la compagnie d’électricité ou du téléphone, qui tissent-avec leurs câbles- de sordides toiles d’araignée dans la médina ?
Quelle est la différence entre celui qui combat interminablement l’humidité rampante dans ses murs, et la société de l’assainissement ou de l’eau potable qui n’ont  pas pensé à rénover leurs conduites depuis bien un siècle ?
Quelle est réellement  la responsabilité  de cet habitant voulant moderniser sa « pseudo » demeure   pour la doter du minimum requis des normes de salubrité et se trouve défoncé par le rouleau compresseur d’une bureaucratie punitive  des collectivités et des « autorités » du patrimoine, annihilant toutes les aspirations citoyennes...




Vieux Lisbonne



... à suivre
Moez Naija