A propos du livre «La médina de Sousse
sans complaisance. Ou l’art de détruire un patrimoine».
La médina de Sousse sans complaisance !
Oui ... mais avec un peu de diligence
Article paru au journal « Tunis-Hebdo »
N° 2008 du 01 Juillet 2013
La très modeste liste des livres réservés à la ville de Sousse s’est enrichie par un
nouveau titre « La Médina de Sousse sans complaisance ; ou l’art de détruire
un patrimoine ».
L’auteur n’est autre que si Mohamed
Mestiri, qui fut pendant des années correspondant de Tunis hebdo à Sousse.
Certaines de ses contributions dans ce journal ont trouvé place dans son nouvel
ouvrage.
Si Mohamed Mestiri, se définit
lui-même dans son premier livre «Enfin libre», comme «un apprenti-spirite
et écologiste convaincu du bien fondé de la stratégie de la récupération, autant physique
qu’immatérielle ... ».
L’ouvrage, relate un ensemble de
défaillances dans la gestion quotidienne de la médina de Sousse, inscrite sur
la liste du patrimoine mondial de l’humanité.
Il colporte, sans s’approfondir sur les
causes des dysfonctionnements structurels
et institutionnels qui auraient permis de telles désinvoltures, un ensemble
d’actions, de projets et de manifestations, qui défigurent et dénigrent un
patrimoine voué au cafouillage et à
l’improvisation.
Le livre, en soit,
est un réel témoignage d’une situation de plus en plus grave et confuse de
certains aspects de la vie quotidienne de la médina de Sousse.
C’est une
première, dans la mesure où tous les écrits réservés à la ville de Sousse, sont
plutôt jubilatoires, exaltants et
parfois approximatifs. La majorité des titres sont destinés à relater la riche histoire de la ville de Sousse et sa
médina, de ses monuments et de la beauté
des ses paysages essentiellement côtiers.
Concevoir une
littérature de la médina dans un registre contestataire et réprobateur, est un
fait nouveau et même original. Il ne peut être que positif et salutaire, eu égards à la multiplication des négligences qui ont
instaurés un climat d’incompréhension entre les divers acteurs et intervenants
locaux. Une appréciation critique ne peut que marquer les esprits et dégager un
débat constructif qui aura pour but de corriger les dérives et mettre en place
des mécanismes réformateurs et même rénovateurs de nos visions- jusque là- statiques envers la médina. Ceci permettra de
bouleverser les approches de gestion tant au niveau politico-administratif, qu’au
niveau socioculturel.
Ce que, je me
permettrai d’appeler «une sensibilisation rebelle», basée sur l’aspect
provocateur d’un dialogue anticonformiste. Les passionnés de la médina et attachés
aux valeurs patrimoniales seront
impliqués davantage et traceront dans
une approche participative la politique d’une meilleure gouvernance.
Et, le lecteur
averti, est bien servi par le truchement, d’une ribambelle de critiques parfois
acerbes, mais généralement tangibles, envers une série de manifestations de l’anti-génie
humain ; des actions qui ont nui à l’image de la médina, tel cette
prolifération des étals anarchiques dans les rues et places les plus nobles, causants
des écarts incongrus de conduites et de comportement, ou cette manière
impromptue ( ou absence de manière) de traiter un des phénomènes les plus désagréables
qui soit ; utiliser le bas des
remparts nord comme urinoirs publics, ou encore des anachronismes de l’usage de
certains monuments.
L’auteur s’étend
aussi sur des critiques basées sur ses appréciations personnelles sur des
aménagements, ou des réhabilitations
réalisées par les pouvoirs publics dans la médina. Je prendrai le cas des jardins
des remparts, projet incité et soutenu par
l’auteur de ces lignes, que si Mohamed Mestiri réprouve dans l’ensemble et dans
les détails à cause de ce qu’il voit comme une discordance de styles ramenés
parfois à des querelles d’époques.
On peut être
d’accord avec si Mohamed Mestiri, on peut ne pas l’être, c’est la nature
humaine. Le fond demeure toujours notre conception du patrimoine.
Soit une
conception «momifiante», peureuse d’apporter le moindre apport par prudence et précaution, une conservation
strictement sournoise et figée, ou une
approche dynamique et positive du cadre et de l’environnement général du
monument, appelé obligatoirement à s’accommoder par sa richesse architecturale
grave et auguste avec les mutations socioculturelles et
économiques.
Le monument en
lui même, à mon humble avis, doit être préservé, protégé et sauvegardé, dans un esprit de conservation naturelle et pure ... Son
environnement devrait se développer dans une perception novatrice et
rationnelle par rapport à l’innovation
du génie humain.
Dans le cas
d’espèce ; aménager la périphérie des remparts en promenade aux formes et motifs néoclassiques noyées dans des pelouses gazonnées, ne peut être que
bénéfique, et pour le monument et pour le promeneur et le flâneur contemplant.
Le gazon, lorsqu’il est bien entretenu, a une grande
capacité d’absorber le gaz
carbonique, Il filtre l’eau de la pluie
la stocke et limite ainsi le
ruissellement; il produit de l’oxygène,
il rafraichit l’air, il limite le bruit et atténue les nuisances sonores et régule même le rayonnement lumineux. J’ajouterais sans
équivoque qu’il joue un rôle essentiel dans notre équilibre psychologique.
Voila comment les jardins des remparts de
la médina de Sousse contribuent solennellement à une meilleure préservation du monument et surtout à une amélioration de
notre perception.
Ceci donnerait lieu au concept de «mise en valeur»
Il faut
reconnaitre, que la Medina n’est pas l’apanage d’un ensemble figé de murs et de
murailles, mais une vie, et un mode de fonctionnement spécifique et ancré dans
des traditions riches par l’apport ingénieux de chaque ère de son existence.
Alors, si les
arabes de différentes époques, les andalous,
les turques, les européens... ont pu signer leur passage avec
beaucoup de charme et de délicatesse, en imprégnant la médina par leur génie du
savoir faire, pourquoi voudrais-t-on inhiber
cette chance aux générations modernes
dans les strictes obligations du mode et de l’esprit de la conservation.
Alors, on
pourrait, dans cet esprit, allègrement aménager
des jardins néoclassiques et se
permettre de planter du gazon aux alentours des remparts. On pourrait aménager une
pergola à l’effet ombrageant à l’entrée de notre médina sans affecter les valeurs intrinsèques de notre patrimoine.
Pour ça, le débat
est lancé. Si Mohamed Mestiri aura le mérite par son ouvrage d’amorcer un dialogue qui ne peut être que constructif.
MOEZ NAIJA-SOUSSE